On ne remonte pas au jour sans passer par la poésie.
On ne remonte pas au jour sans passer par la poésie.
Pose ton front contre le coeur
du marronnier, prête l'oreille
au trajet de la sève, à cette
force qui forge
l'oiselet dans le ciel-du fer
incandescent crissant
près du soleil-,écoute
le grand dire du bleu:
que tout nuage est une feuille,
feuille aussi l'hirondelle,
jusqu'à cette étincelle
sur les traverses de l'orage,
jusqu'à l'étoile,
Tout naît de l'arbre et de sa course
à l'aplomb de la terre,
de son cheminement sans griffes
parmi la lave et le cortex,
sous le lichen et sous la mousse,
sous le plumage et sous le derme,
en telle profusion
que tu ne parles de langage
que le murmure de la branche
et de l'écorce où pulse un verbe
qui s'émerveille d'être sang.
Lionel-Edouard Martin
Poème inédit
Je ne peux penser l'homme sans l'univers
Qui le suscite ni l'univers sans l'homme
Partout règnent le malheur et la misère
Sous l'arrogance de ces temps dévorants
La science est écrite sur des feuilles d'herbes
Sur les pages des labours et des prairies
L'harmonie du monde est évidente
Comme la couleur du ciel et le soleil
Combien de temps perdu à retrouver
La joie saine naturelle simple paisible
Souffles de poussière mensongère de suie
Pour voir dessous la clarté de l'eau pure
Sans duperie et à portée de main
On a tué la confiance dans les coeur
Corrompu les mots perverti les gestes
Inversé le sens même des sentiments
Civilisation de l'artifice trompeur
Où ceux qui n'ont d'humain que le nom
Sans foi ni loi exploitent et asservissent
Cassiopée irradie de mille diamants
Où cueillir une gerbe bleue d'étoiles
Ici se trouve la vraie grandeur de l'homme
Auquel je crois malgré tout le mal fait
Qui porte avec amour le poids du ciel .
Extrait de Sous l'étoile de Giono
Editions Alain Gorius/ Al Manar
disponible sur www.editmanar.com
Illustration : tapisserie de Jean Lurçat
Je déclare l'éternité maintenant
Dans l'intime morsure du désir
Avec l'écho tourbillonnant
Devant ses ailes qui l'étirent
Le temps peut bien m'ensevelir
Coudre ma bouche d'un dernier fil
J'ai au fond de la gorge un râle
Etranger à la mort et à son châle
Même glacée ma bouche te suppliera
D'un psaume de cendres qui répandra
Nos impatiences en pluie d'oiseaux
L'amour sera mon seul tombeau .
Poème Inédit. Tous droits réservés .
Un dieu des champs. Une grande forme barbue qui passe au soleil dans les blés. Une certitude. Une confiance. Une promesse. Et voilà qu'il nous a trahis: il a penché la tête; il est parti de lui-même sans que personne s'en aperçoive; en dormant, comme un somnambule. Il a quitté sa maison terrestre par la fenêtre, comme un voyageur clandestin, pendant qu'on surveillait la porte. Cet endroit passager ne pouvait plus lui suffire. Il est allé trouver ailleurs ce pays qu'il cherchait sur les routes de la terre avec son manteau , son bâton, pareil aux personnages qu'on voit dans le désert sur les images de l'histoire sainte, toujours en route, les pieds poudreux .
Alexandre Vialatte
Article pour la mort d'Henri Pourrat
16 Juillet 1959
Marcher léger vers les confins du ciel
Jusqu'aux hautes estives d'un coeur vert
Dans un printemps qu'enfantent les jonquilles
Marcher nu vers l'horizon grand ouvert
En quête de cette terre promise
Sans savoir qu'elle est blottie dans sa poitrine
Marcher sans piétiner ni revenir
A l'aventure dans la brume de soi
Vers les nuées courant dans les contrées célestes
Marcher d'un pas à faire naître la terre
Dans quelques arpents d'imaginaire
Ces étendues bleues comme faïences lointaines
Marcher en n'ayant dans sa besace
Que quelques lourds nuages noirs de regrets
L'espoir de la beauté et l'amour du monde
Marcher avec comme seule boussole le poème.
JV
En cheminant avec Claude Legrand
Poème inédit
Tous droits réservés .
Je suis le fils des caravanes
Qui tournent sur la terre
Fils d'une horde sans nom
Qui n'a mémoire que de la soif
Du soleil à midi
Et de la poussière levée .
La route a pour horizon
Une prière au jour le jour
Qui défie l'espérance
Autant que les malédictions,
Et ligne un mantra aux nuages
A défaut de l'oreille des dieux.
Ce qui nous mène est une question
Sans réponse ni retour
Mais avec un refrain à chaux et à sable
Que l'on dirait irrémédiable
Pour peu que s'y joue le Grand jeu
A la barbe des gardes-frontières.
Je m'invente un pédigree
Et passe où bon me semble,
A Kaboul comme à Seville
Sans avoir à changer d'allure
A Lhassa comme à Tanger
Sans avoir à changer de peau.
La marche se veut tout terrain
Pourvu qu'elle garde encore à vif.
La marche se veut tout terrain
Pourvu qu'elle garde à vif
Le souffle de la vraie vie
Tempo toujours renaissant
Même s'il force un peu la note
Quand il trafique dans l'infini.
Extrait de " Les solitudes" . Gallimard
Mon amour pour elle est plus grand que moi
Nous deux aurions mené ensemble notre vie
Tout le long des journées aimer sans mot dire
Ses yeux de noisette emplis de larmes
S'ensoleillaient aveugles dans l'ombre
Guettant les rêves qui ne doivent pas mourir
Dans les galaxies intérieures de nos corps
Avec mes deux bras dressés dans le ciel
Je ne suis qu'un homme d'avoine folle
J'aurais construit une vie de bonheur
D'oiseaux, d'aurores et de verveine
L'âme de l'autre est une forêt obscure
Etre seul ballotté par le malheur
J'ai laissé mon espoir derrière moi .
....................
Extrait de DANS LE VERT DES MONTAGNES- En cheminant avec Gaspard
Editions Entrelacs .
Illustré par Sat
Isbn: 979-10-90174-52-8
Prix : 16, 50 e
Disponible en librairie, www.dervy-medicis.fr, amazon.fr, fnac.com
Paru dans L'EXPRESS - semaine du 9 au 15 Aout 2017
LIRE VIALLEBESSET
Poète auvergnat, né en 1949 dans un village de la Limagne, fasciné par l'oeuvre de Jean Giono, Jacques Viallebesset compose recueil après recueil une ode à la langue et à ses pouvoirs mystérieux. Accueillie dans la collection " Les poètes trop effacés", son oeuvre, au caractère initiatique accusé, s'inscrit dans la trace d'Aragon et d'Eluard, avec l'espoir de ranimer un langage dévitalisé par l'habitude ou l'inattention. On se surprend , en lisant ou relisant cette poésie, à percevoir la dette immense envers un siècle-leXVIIIè - et un mouvement d'idées -les Lumières-, qui inspirent ses élans d'humanisme. Tel son devancier Paul Celan, Viallebesset estime que le poème est une " poignée de main" , une forme accomplie de dédicace à autrui. Partout, il cherche le contact, jette des mots comme on établit des ponts vers l'inconnu, quête ce que Lacan appelait le " grand autre". Beauté d'une poésie convoquée par le vis-à-vis inépuisable de l'altérité. Rendons-lui en grâce.
A.Lx
Jacques Viallebesset. Ed; Le nouvel athanor.112 p. 15 E
Disponible sur www.lenouvelathanor.com