Brouillards du bourg, brouillards des champs lointains,
Dans vos pâleurs j'évoque le grand Meaulnes,
Parmi les prés, sur le verglas d'automne,
Quand il venait dans le petit matin.
Brouillards rêveurs dont le goût me tourmente
Comme un rappel de songes incertains,
Souvenez-vous du Novembre lointain,
Dont l'aventure illusoire me hante...
Ô peupliers! Blancheur des longs chemins!
Chercher un jour le château des chimères
Dans la fadeur des brouillards cotonneux,
Comme un enfant qui part loin de se mère,
Un enfant triste au coeur aventureux!...
Ô, vieux domaine où les canards sauvages
Par les cieux gris, dans l'ombre des nuages
Passaient là-haut!
Oh, ces prairies avec leurs gelées blanches
Et cette fête en Décembre un dimanche
Dans le château!
Oh, la divine et douce châtelaine
Qui dans la plaine
Lui prit la main!
Oh, ce matin d'amour et de froidure,
Froides verdures,
Amour sans fin!
Grand Meaulnes, image amère de mon âme
Quand elle pâme
De nostalgie,
Pars sur la route austère de novembre,
Va, grelottant de tous tes pauvres membres,
Chercher l'amour en de lointains pays.
" Sur l'étang de Riolles,
Au son des violes,
Nous irons ramer, Et la châtelaine,
En cotte de laine
Voudra nous aimer".
attribué à Alexandre Vialatte