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Lecture de Le chevalier, la Dame, le Diable et la mort. Raoul Vaneigem.

 

L'exploitation de la magie par les marchands de surnaturel, les glapisseurs de spiritualité, les sorciers du pouvoir et les gourous a de quoi susciter la répulsion.

Est-ce une raison pour frapper au sceau du mépris des évènements qui se trouvent refoulés dans les culs-de-basse-fosse de l'inexplicable, d'où les pêcheurs de miracles les hissent?

La folle envie de guider plus avant, jusqu'aux havres du Tendre, la barque de l'Amour -l'amour de "la" femme, l'amour de moi, l'amour du monde- allume au loin le fanal de ma vigilance, grâce auquel j'éviterais, s'il se peut, les récifs où la passion éclate et se brise.

En quête d'une cohérence, j'élabore patiemment les résonances qui, se répercutant et emplissant de leurs échos mes grandes demeures intérieures, bâtissent , à l'inspiration de mes désirs, une manière de symphonie, dont la difficile harmonisation est à jamais le secret d'Orphée.

Pour qui éprouve la familiarité d'une telle démarche, qu'il me suffise d'en divulguer l'intention, avec une platitude délibérée, au-delà de laquelle il trouvera son "propre chemin": "Que le meilleur m'arrive, pour mon bonheur et pour le bonheur de ceux que j'aime."Je ne me trahis pas en disant celà. Ce n'est là que fidélité à l'enfant qui, partout où il se trouvait, pointait furtivement l'index vers les êtres humains et les bêtes qu'il percevait avec les frêles antennes de sa sensibilité et qu'il souhaitait passionnémenr rendre heureux ou garder de toute infortune.Pourquoi ne pas tenter de mettre en oeuvre l'extraordinaire énergie qui, à la source de nos désirs, git pareille à un Titan entravé par la tyrannie des dieux? Ne serait-ce pas là, précisément, le Grand Oeuvre que poursuit l'alchimie du moi?A certaines formules incantatoires se rattache un principe de vie dont le simple rappel me semble conforter la présence , la ravivant à l'encontre de cet envoutement mortifère qui pèse sur nos pensées et nos gestes quotidiens.Je songe au propos attribués à Appolonus de Tyane: "les portes de la terre sont ouvertes, les portes du ciel sont ouvertes, la route des fleurs est ouverte.Mon esprit a été entendu par l'esprit du ciel, par l'esprit de la terre, par l'esprit de la mer, par l'esprit des fleurs."

Je songe à L'évangile d'Eve  qui, en hébreu Hawwah, signifie "Vie":

Je suis toi et tu es moi

Et où tu es je suis

Et en toutes choses je suis semée

et, si tu veux, tu me rassembles

Et si tu me rassembles, 

Tu te rassembles toi-même

Aucun combat n'est perdu tant que je ne l'ai pas perdu avant de l'entreprendre : parce que la seule jeunesse capable d'irradier par-delà les saisons de la vie est La Force de Vie.

Je n'ai que faire de la magie incantatoire et de ses recettes, je désire seulement que m'emplisse le chant de la terre.

L'aire du désir s'invente un territoire qui place en porte à faux la réalité de notre vie quotidienne. C'est un pays que sillonne l'existence laborieuse, un pays de rupture avec le sens commun. . Le temps est venu que la poésie retrouve, dans la matérialité du corps et de la terre, l'intelligence sensible, en quoi réside sa puissance créatrice.

La poésie vient des origines du corps et elle l'humanise.La pensée séparée de la vie la dessèche et la tue. C'est pourquoi la poésie n'obéit à aucune de ces règles. Elle est la fleur qui crève le bitume et fleurit au milieu de la chaussée. Il suffit que le banal se fissure pour que la vie se fraie un chemin et explose en silence.Je fais face au déferlement des êtres et des choses jusqu'à l'instant suprême où je me trouve dans l'oeil du cyclone, au coeur d'une dangereuse acalmie. J'attends que vienne à ma rencontre un être issu des brumes du futur, quelqu'un qui est moi et auquel j'aspire clairement à m'identifier.Sa venue ne comporte ni rituel ni cérémonial ni doute ni certitude. Je me laisse guider. En lui se condensent tous mes désirs. Il est porté par l'inspiration, il est cette inspiration, qui ne se soucie pas d'être bonne ou mauvaise, puisqu'elle récuse les échelonnements de la réussite et de l'échec. Elle est moi et elle est à moi.Elle est un éclair dans lequel je vis. Il suffirait de quelques secondes, en temps de survie, pour que je me percoive en dépassement et que la réalité s'ébroue et s'éveille de la léthargie où l'a plongée l'envoutement de la vie quotidienne. Le grand désir est un bond vers soi, un départ et une arrivée qui brisent la chaîne des instants et l'écoulement du néant.

Il ne s'agit pas de s'installer dans un état mais de s'inscrire dans une volonté. sans doute est-ce le sens de la formule que je vais me répétant à longueur d'espace et de temps: N'attends rien, désire tout.

 

ô temps du désir, délivre-moi sans trêve

du temps des souvenirs

accorde-moi encore et encore

le temps de l'éternel retour

le temps des commencements,

le temps des amours naissantes

la première lueur et la sueur de l'aube

quand les corps consumés

renaissent de leurs cendres.

ô me lover à jamais

dans le tourbillon bleu

du ventre de la femme

quand s'ouvre, déchirant la nuit,

la jouissance d'un cri.

Raoul vaneigem

 

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Published by Raoul Vaneigem

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