Mon maître est le peseur de mots,
Il me dit: rien ne vaut la page blanche.
L'encre salit le papyrus.
Maître, c'est vrai.
Je sais que mes rouleaux seront poussière,
que mes écrits s'effaceront .
Pourtant mon rôle est de nommer les choses,
qu'elles durent un jour ou dix mille ans.
Je nomme, donc je suis.
Les nommant, je me dis que rien n'existe
mais je crois exister.
Mon maître est le vanneur de vent
Il garde les mains vides, il secoue
la poussière de ses souliers.
Jamais il ne s'arrête, en aucun lieu
ne s'établit.
Heureux les pauvres en esprit, dit-il, et:
tiens-toi prêt.
Seigneur, je l'ai toujours été.
Moi qui reste attaché
à tout, comme la chèvre à son lopin de terre,
tu sais que, pourtant, je suis prêt.
Je te suivrai quand s'ouvrira la porte.
Je viens d'avant le souffle du commencement.
Je n'aurai pas de fin.
Je, c'est-à-dire
le principe qui m'anime
et qui poursuivra
le voyage en me quittant.