Avez-vous déjà vu parmi les champs de neige
Des juifs gelés en rangs l'immobile cortège?
Sans un souffle étendus, marbrifiés et bleus
Leur corps sont là, pourtant lamort n'est pas en eux
Car leur ême gelée a des lueurs fugaces,
Poisson doré saisi dans sa vague de glace,
Ni muets ni bavars: chacun pense sans bruit;
Le soleil a gelé aussi dans la nuit.
Aux lèvres roses par le gel déjà figées,
Un sourire est resté qui ne peut plus bouger.
Couché près de sa mère un enfant semble attendre
Ces bras pour le nourrir qui ne peuvent se tendre.
D'un vieillard nu le poing serré se pétrifie,
Il ne peut libérer de la glace sa vie.
J'ai connu jusqu'ici des morts de toutes sortes,
Je ne suis point surpris des masques qu'elles portent.
Pourtant dans ce Juillet si chaud, en pleine rue,
Comme un vent de folie un froid m'a parcouru.
Elles viennent vers moi les dépouilles bleuies
Des juifs gelés en rangs dans la neige éblouie.
Des sédiments marbrés s'étendent sur ma peau,
Et s'arrêtent soudain la lumière et les mots.
Et du viellard gelé mon corps prend l'inertie,
Qui ne peut libérer de la glace sa vie.