Les âmes aux pieds nus. Bilingue .Ed. Le temps des cerises. 15 E
Par la fontaine de ma bouche . Bilingue Ed Bruno Doucey. 12 E
Une voix, nue, humaine, libre et souveraine s’est levée : une voix de femme . Cette voix, c’est celle de Maram al-Masri, poète née en Syrie à Lattaquié en 1962, exilée à Paris depuis 1982. Mais ce n’est pas de cet exil-là dont parle Masram al-Masri, pas non plus des femmes d’un Orient fantasmé. Elle rend la parole à des dizaines de femmes de tout âge et de toutes conditions à qui on l’a confisquée, exilées dans leur propre vie car victimes de la violence qui leur est faite par de trop nombreux bourreaux domestiques . Ce pourrait être un cri de révolte ou une longue plainte, la poète pourrait user d’effets poétiques et lyriques , d’emphase et de grandiloquence , c’est tout l’inverse. Le vers est bref, clair, sobre pour dire l’émotion contenue, la langue est celle d’un quotidien économe de mots et c’est, justement, de cette économie et de cette pudeur retenue que naîssent la justesse des images et la puissance du poème. Ces intimes blessures béantes, Maram al- Masri les recouvre avec délicatesse d’un voile de tendresse et les soigne d’une caresse d’amour , car , même dans le manque et la douleur , c’est bien l’amour que dit Maram al-Masri.
C’est encore une femme que chante la poète dans « Par la fontaine de ma bouche », une femme aimée d’un amour charnel. Il n’est question ici que de corps à corps, de caresses, de passion et d’émotion , d’érotisme enfin. Ce sont les chants d’amour du Cantique des cantiques glorifiant le ventre, les seins, le sexe, exaltant le désir, le plaisir et la jouissance. Maram al-Masri nous parlerait-elle des amours sapphiques et de la fontaine de sa bouche, seraient-ce les mots de Lesbos qui couleraient ? Oui, à condition d’entendre que c’est avec La Poésie que Maram al-Masri fait l’amour. Oui, si l’on comprend qu’elle se donne tout entière à la poésie en même temps que la poésie s’incarne en elle et par elle, dans une relation égalitaire. Sappho, oui, plutôt qu’Ishtar ou Shéhérazade auxquelles elle se réfère pourtant ou plus exactement, une Louise Labé de la modernité, renouant avec le lyrisme incandescent de la poétesse de l’antiquité et comme elles deux, nous rappelant que la poésie est féminine .
AJL .Magazine littéraire . Juillet 2011
-Les âmes aux pieds nus .
Je les ai vues
toutes passer dans la rue
âmes aux pieds nus,
regardant derrière elles,
inquiètes d’être suivies
par les pieds de la tempête,
voleuses de lune
elles traversent, déguisées en femmes normales.
Personne ne peut les reconnaître
Sauf celles
Qui leur ressemblent.
Encadré 2- Par la fontaine de ma bouche
Et comme si
une voix étouffée me parvenait
vers laquelle mon oreille se tend
comme si quelqu’un pénétrait mes entrailles
elle lui prête l’oreille
et de temps à autre capte l’onde
d’un signal
elle l’habille d’un corps
qui devient voix