Dans ce demi-jour de caverne, il y avait à regarder où l'on posait les pieds, à éviter les flaques, à prendre garde surtout à la mécanique effrayante. Elle était en bois, tout épaisse,toute ruisselante, virant, battant, de façon enchaînée et monotone, en un train de tremblant tapage toujours pareil. Le maître-arbre, engagé dehors dans le moyeu de la roue à aubes, tournait avec elle. On le voyait au long de la muraille, sous les lucarnes, planté de chevilles comme le rouleau d'une boîte à musique. Ces chevilles en tournant prenaient par dessous les têtes des maillets. Ils étaient là fixés trois par trois, en cinq batteries, telles que des touches de clavecin géantes, qui se soulevaient, puis lâchant, se laissaient retomber. Les ais de chêne s'abattaient, se relevaient, et se retiraient, s'abattant l'un après l'autre dans leur auge de granit. Battus par ces maillets cloutés et lavés par l'eau qui courait dans des chéneaux de sapin, les chiffons faisaient d'auge en auge une bouillie plus fine, plus blanche .
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Extrait de Le secret des compagnons. Henri Pourrat . Gallimard
Le site web du Moulin Richard de Bas : www.richarddebas.fr
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